Neal ouvrit les yeux. Il ne prit pas le temps de somnoler dans son lit, il avait beaucoup à faire. Il se leva promptement et se dirigea dans sa salle à manger, qui se situait dans la même pièce que sa chambre. Il savait que cette habitation n'était pas optimale, mais c'était en attendant d'avoir mieux, il fallait user de sa patience.  Il avala son petit déjeuner en quatrième vitesse, prit ses clés et claqua la porte.

Il appréciait se balader dans les rues de son district, car c'était les seuls moments de calme et de sérénité qu'il pouvait s'accorder. Il passa devant la place principale, puis devant plusieurs garages qui ont dû tous un jour ou l'autre être ses clients. Il n'essayait pas de tous les retenir, c'était une perte de temps.

Mais aujourd'hui il n'allait pas travailler entouré de pièces détachées et d'outils de mécanique. Il avait un autre devoir à accomplir. Depuis quelques temps, des illuminés ont bien cru utile de reposer leur foi, d'il ne savait quoi, sur lui. Quelque chose en rapport avec la nature. Enfin de toute façon, il n'avait pas besoin d'être très au courant car ses "fidèles" buvaient ses paroles peut importe les conneries qu'il pouvait sortir. Cela s'explique en partie du fait qu'il leur vendait de grandes doses de morphling pendant les réunions. C'était une des fidèles qui lui en avait demandé, et depuis, ça n'arrêtait pas. Ce n'est pas pour lui déplaire, car il gagnait énormément dans ce traffic.

Il arriva devant la vieille maison délabrée qui servait de point de réunion. Il habitait là-bas avant, mais c'était trop glauque pour lui, il lui fallait vivre entouré de plus de vie. Il avait complétement transformé cette maison en sanctuaire pour les pigeons qui le suivaient. Il y avait plusieurs salles, transversales qui entouraient la salle principale où se faisaient les réunions. Il entra par la porte de service. Il avait vu que des gens attendaient devant et il ne voulait pas commencer à leur taper la discute. Les discussions ne volaient jamais bien haut et encore une fois Neal n'avait le temps pour ce genre de choses où il n'y gagnait rien.

Une odeur d'encens lui frappa au visage quand il entra dans le batiment. Merde, quelqu'un a encore fait cramer une vieille bougie qui trainait, fallait qu'il les jette parce qu'il finirait par en devenir allergique.

Il n'y voyait plus rien à cause de la fumée qui s'échappait des batons d'encens. Heureusement qu'il connaissait les lieux, sinon il se serait prit des dizaines de coin de meuble. Il entendait les murmures des conversations augmenter petit à petit. Il était à présent devant la porte qui menait à la salle principale. Il prit une longue respiration, et l'ouvrit. Une quinzaine de têtes se retourna vers lui. En voyant dans le blanc de leur yeux, Neal savait qu'ils étaient déjà défoncés. C'était bien, généralement ça augmentait les ventes.

Il se dirigea vers le centre de la salle, pour se mettre à la vue de tous. Il toussota pour réclamer le silence, même si tout le monde avait arrêté sa conversation au moment où il était entré.

Merci à tous d'être venu. On va commencer tout de suite par les témoignages.

Il ne faisait pas de longs discours tout de suite, il attendait un peu le temps d'avoir de l'inspiration, car oui, il ne préparait rien à l'avance. Les témoignages était la partie qu'il préferait faire car cela ne lui demandait aucun travail. Les adeptes parlaient à tour de rôle pour faire part des miracles qu'ils avaient vu, et des personnes qu'ils avaient converties. Neal s'en foutait réellement (comme du reste de la réunion d'ailleurs), mais cela leur plaisait alors il laissait faire. Du moment qu'ils payaient ensuite... Au bout d'une demie heure, plus personne ne parla. Il prit alors la parole.

Mes amis, nous sommes ici pour célébrer cette mère nature qui a été mise au second plan pendant trop longtemps.

Il entendit quelques grognement d'approbation, et continua.

Vous seuls voyez les miracles qu'elle accomplie, et vous seuls pouvez en parler autour de vous.

Il continua son discours ainsi pendant une heure, puis, après des remerciements accompagné d'applaudissements, il quitta la salle. Il prit un grand verre d'eau pour étancher sa soif et alla ensuite dans une des salles auxiliaires pour commencer les choses intéressantes. Pendant plus de deux heures, les personnes faisaient la queue afin de toucher deux mots au "grand maître de la nature" et pour assouvir leur besoin en morphling. Neal ne disait presque rien, et les laissait parler, s'abandonnant à la rêverie. Il se demandait comment investir tout cet argent de façon intelligente et sans que les pacificateurs n'aient de soupçons. En effet, les personnes qui devenaient très riches du jour au lendemain étaient très vite suspectées d'entretenir un quelconque trafic florissant mais pas très légal.

La file commençait à s'éclaircir, ça allait bientôt se terminer. Lorsqu'il n'y eut plus personne, Neal remballa ses affaires et quitta aussitôt la pièce. Le moins de temps il restait dans ce lieu, le moins de risque il courrait. Il revint d'un pas rapide sur le chemin de la chambre qu'il louait au centre ville, l'argent en poche. D'habitude, il recevait divers objets de plus ou moins grande valeur, pour les personnes ne pouvant pas payer en liquide. Aujourd'hui ce n'était étonnement pas le cas. Cela l'arrangeait car se trimbaler toutes les babioles sur le trajet l'énervait au plus au point.

Il croisa un groupe de pacificateur. Il ne put s'empêcher de sourire en pensant à tout ce qu'il leur cachait sous leurs nez. Son sourire s'effaça très vite quand il se rendit compte qu'un des pacificateur le regardait en retour. Il ne pressa pas le pas pour autant, ils n'avaient rien contre lui pour l'arrêter. Il soupira. C'était trop facile, il voulait que quelqu'un vienne lui mettre les bâtons dans les roues pour avoir un peu d'action. Mais de toute façon, il ne connaissait personne capable de détruire tout ce qu'il avait entrepris, il y avait veillé au grain. Tout était huilé à la perfection, aucun grain de sable ne venait casser la machine qu'il avait construite.

Il rentra chez lui, cacha l'argent sous une des planches du parquet, et se servit un verre de vin. Il venait d'une vieille bouteille, mais il n'en buvait qu'occasionnellement. Il s'allongea sur son lit, et fixa le plafond. Son prochain client ne lui avait donné rendez-vous que le lendemain. Il allait devoir donc passer le temps jusque là.

Il se releva, et se dirigea jusqu'à la fenêtre qui menait sur la rue. Il l'ouvrit et s'appuya contre le rebord, son verre à la main. Il regarda les gens défiler sous ses yeux, certain rigolant, d'autre la mine plus grave. Chacun était dans son petit monde ridicule, ne voyant pas plus loin que leur nez.

Ils étaient ridicules. Il ne pouvait compter sur personne, condamné à jamais à rester seul.