Ada, ton nom n'est inscrit qu'une fois, ne t'en fais pas. Tout se passera bien.
Adaline était adossée à un arbre et jetait des cailloux dans une flaque de boue. Depuis la veille, un bourdonnement avait pris d'assaut ses tympans. C'était un peu comme si une bulle empêchait les informations néfastes de passer. Elle ne voulait plus rien entendre, elle ne voulait plus parler, parce qu'hier, leurs noms avaient raisonnés, comme un coup de massue. Son ami et sa sœur. Leanne, Xavan. Elle se souvînt du tremblement qui avait saisi son corps. De l'explosion qui avait secoué son cœur, au moment ou cette voix stridente qu'elle n'avait que trop entendu avait osé prononcer le nom de sa sœur. Les dames d'abord. Leanne Chetwood. Tout c'était passé comme dans un rêve. Elle n'avait prise sur rien. En quelques minutes, elle dû lui dire adieu. Non, au revoir. Elle pouvait revenir, elle pouvait gagner. C'est ce qu'Adaline se répétait en boucle, depuis maintenant plus de 24 heures. Elle ne réalisait pas encore totalement, mais elle était envahie par un stress indicible. Impossible à atténuer. Une peur atroce de l'avenir. Une larme s'échappa de ses yeux vides. Non. Il ne fallait pas pleurer. Elle pouvait gagner, elle avait sa chance. Leanne avait besoin de toute la force qu'elle pourrait lui envoyer. Dans un soupir, Adaline se redressa, époussetant vaguement ses vêtements. Elle entendit au loin des rires d'enfants et une petite fille d'environ 5 ans passa sous son nez en courant. Curieuse et désireuse de penser à autre chose, elle l'arrêta en pleine course. Hey, qu'est-ce qu'il se passe là-bas ? La petite tête blonde se retourna en souriant et lui répondit d'un ton enjoué que le docteur des animaux était là. C'était le jour du vétérinaire, elle s'en souvenait maintenant. Elle n'était jamais vraiment allée voir leur stand. Déjà, parce qu'elle n'avait pas d'animaux à faire soigner, et ensuite parce qu'elle était souvent trop occupée à courir en pleine forêt avec les garçons de sa classe. Là bas aussi, il y avait des bêtes, elles étaient seulement plus sauvages. Aujourd'hui serait peut-être un bon jour pour s'y rendre puisque, de toute façon, elle n'avait pas envie de jouer. Elle n'avait envie de rien. D'un pas lent et s'efforçant d'être plus positive, Adaline se dirigea vers la place ou était normalement installée la tente du vétérinaire. Il y avait déjà bon nombre de personnes et la jeune fille préféra ne pas se frotter à la foule. Il y avait déjà eu trop de regards emplis de chagrin, trop de familles accablées et d'amis effondrées. Elle n'était pas suffisamment forte pour les affronter. Elle préféra donc s'asseoir, un peu plus loin, observa l'attroupement d'hommes et d'animaux formant une file plus ou moins disciplinée. Elle vit la même petite fille que tout à l'heure revenir vers elle avec un chaton noir entre les mains. Elle lui lança avec un grand sourire : Ils donnent des animaux ! Puis elle repartit, aussi vite qu'elle était arrivée. Elle ne se souvenait pas avoir déjà entendu que des dons d'animaux étaient organisés. Le chaton était vraiment mignon, elle aurait bien aimé les voir. Doucement, elle se releva et s'approcha de la tente. Elle aperçu Winston, un ancien mentor qui, plusieurs fois, leur avait apporté un peu de nourriture. Elle s'approcha discrètement de lui, évitant les animaux et leurs propriétaires, et lui tapota sur l'épaule. Salut. Elle accepta le manteau qu'il lui tendit, bien trop grand pour elle, et sourit en guise de remerciement. Non, je viens seulement les voir. Mais tous les enfants étaient déjà agglutinés autour d'un carton d’où provenaient plusieurs miaulements. Adaline s'éloigna un peu, le manteau de Winston sur le dos, si grand qu'il traînait au sol, et se dirigea vers le fond de la tente. Près d'une jeune femme rousse, quelques chiots s’excitaient et aboyaient dans tous les sens. Elle s'accroupit et tendis la main vers l'un deux qui, vivement, lui sauta dessus. Adaline se retrouva le cul à terre, plutôt amusée par l'entrain de ce chien.

Toujours le derrière dans la poussière, Adaline accepta une main tendue. Surprise, sur le moment, elle leva les yeux et découvrit une jeune femme au sourire agréable. Elle pensa à lui rendre. Elle voulu lui rendre. Mais son visage resta figé tel quel, n'affichant rien d'autre que deux yeux ronds fixant la charmante rousse. Sans même avoir pu répondre quoique ce soit, Adaline se fit rediriger vers la foule. Vexée, elle s'éloigna sans un mot. Mais lorsque la voix de cette Diane retentit de nouveau, aussi douce soit-elle, elle ne pu s'empêcher une remarque, balancée sèchement à qui voulait bien l'entendre. Et s'ils sont morts nos parents, on fait comment ? Ce n'était pas vraiment une question puisqu'elle n'attendait pas de réponse. Et Adaline n'était pas orpheline. Mais elle était vexée, comme bien souvent depuis le jour de sa naissance. Les sourcils légèrement froncés et adoptant une posture renfermée, la jeune fille enfouit profondément ses mains dans les poches de son manteau temporaire. De toute façon, elle s'en fichait, elle n'en voulait pas de sa stupide bestiole, elle avait d'autres choses à faire. Et puis les animaux, elle les chassait, elle ne s'en occupait pas. De toute façon, il y avait déjà la queue, une fois tous les autres passés, il ne resterait plus rien. Son air se fit encore plus sévère, comme si elle s'énervait seule, intérieurement, ne prêtant plus attention au reste. Ce qui était en réalité le cas. Et en plus, sa mère n'était pas là, hors madame avait décidé que les enfants sans parents ne pourraient rien avoir. Discrimination ! Sa mère à elle n'était jamais là. Elle travaillait pour les nourrir. Enfin, la nourrir. Parce que depuis le départ de Leanne pour les jeux, il n'y avait plus grand monde à la maison... Son air sévère finit par s'adoucir pour laisser place à une tristesse passagère. Timidement, elle tourna la tête vers les jappements provenant du fond de la salle et aperçu de nouveau ce petit chiot. Il semblait si heureux. Il était tout blanc, c'était étrange pour elle, elle n'en avait jamais vu des tout blanc. Immaculé. On aurait presque dit un ange. Il réussit à lui décrocher un sourire, bien trop vite dissipé. Des bruits de pas bientôt suivis d'une silhouette s’agenouillant près d'elle lui firent détourner les yeux de l'animal. Elle regarda fixement Winston, encore perdue entre colère, tristesse et attendrissement. Sa proposition la fit sourire. Pas un sourire amusé, non. Un vrai sourire, sincère. Parce que peut-être qu'au fond, malgré tout ce qu'elle s'était dit, elle aurait bien aimé en avoir un, de chien. Et puis chez Winston, il aurait tout ce dont il aurait besoin. D'accord. Mais personne ne l'empêcherait jamais de voir son chien. Et j'emmerde les pacificateurs ! Son visage se crispa, consciente de l'avoir peut-être dit un peu trop fort. La faute à son fichu caractère, comme lui répétait toujours sa sœur. Et son frère. Et tout le monde, en fait. Bref, Adaline n'apprendrait jamais à se taire. Sa colère de tout à l'heure s'étant dissipée, elle leva les yeux vers la femme qui l'avait aidée à se reveler,et lui posa, sans autre forme de fioriture, sa question. C'est un mâle ou une femelle ? Puis elle regarda de nouveau Winston. Si c'est une femelle, je veux l'appeler Hope. Comme ça, pensa-t-elle, ce petit ange blanc lui ramènerait peut être aussi sa sœur. Il fallait garder espoir.