Les portes chromes de l’ascenseur s’ouvrirent à l’approche d’Antoine, perplexe devant tant de technologie et de modernité si caractéristique du Capitole, mais surtout dans un silence glacial. Rien ne prédestinait la boite de métal brillante à être défini comme un ascenseur, il était installé une seule vitre de verre tintée sur le dessus de l’appareil et comme une plaque de métal foncée en forme de rectangle sur la droite du désormais nouveau juge. A la vue de celle-ci, Antoine pressa sa carte distribuée un peu plus tôt dans la journée après de longs contrôles de sécurité, de portiques, de fouilles et des couloirs immenses et aveuglants d’une lumière aussi naturelle que le reste. Cette carte métallisée était tintée d’un orange légèrement mat et de l’inscription : « Antoine Phoenix – Juge » suivi d’une bonne dizaine de numéros imprimés. Au contact de la carte, les portes de l’ascenseur se fermèrent une nouvelle fois en silence et la boite s’ébranla très légèrement alors qu’elle semblait monter d’une rapidité incroyable à travers les étages.

Après quelques secondes, un léger bip sonore fit sortir l’homme de ses pensées tandis qu’il se tenait devant un couloir bien plus luxueux et chaleureux que les autres auxquelles il était habitué depuis son entrée dans la bâtiment. Une moquette bleue marine  d’une propreté impeccable couvrait le sol et se mariait parfaitement avec les murs en bois sombres et lisses, entrecoupés de portes en métal légèrement enfoncées. Un seul et unique grand néon parcourait l’ensemble du couloir et semblait osciller en même temps que l’ascenseur redescendit vers son point de départ.
Antoine avança, veste de costard assortie à la moquette et carte d’accès à la main, le long de ce couloir inodore et silencieux tout en lisant les différents noms indiqués en haut à droite des portes et en formant les mots avec sa bouche sans en laisser y échapper un son. L’avant dernière porte fut la bonne et s’ouvrit après que le nouveau juge pressa une nouvelle fois sa carte contre une discrète plaque de métal.

Le bureau s’illumina d’un seul coup et d’une lumière discrète et douce devant l’homme qui balaya la pièce rapidement : elle semblait si immense de par la fenêtre qui ouvrait sur le Capitole au fond de la scène, mais la pièce était en réalité assez exiguë mais surtout pas assez spacieuse au gout d’Antoine. A sa droite était placé un hologramme permettant le contrôle de l’ensemble du bureau : lumière, porte et même musique. Alors qu’à gauche était posée sur un meuble en bois une cafetière neuve tout juste à côté d’un frigo en inox qui émettait un léger bruit qui se diffusait dans l’entrée de la pièce.  Le juge s’avança vers le bureau en métal, son design faisait qu’il semblait avoir jailli du sol pour prendre place et s’installer de toute sa grandeur au milieu de la pièce. Antoine s’avança vers la vitre après avoir posé ses affaire sur son bureau, d’un froncement de sourcil il déposa son doigt sur le paysage du Capitole qui s’estompa sous son doigt sous forme de pixel alors qu’il lâchait un rictus : c’était un écran.

Il prit place dans le confortable et imposant siège de cuir véritable installé derrière le bureau pourvu de socles d’hologrammes en veille, respectivement un écran et un clavier avec à sa gauche une boite encore et toujours en métal remplie de livres soigneusement rangés. Il s’agissait des affaires personnelles d'Antoine qu’il avait dû céder à l’accueil pour « vérification administrative », il prit aussitôt un livre de sa main droite et remarqua que la discrète ficelle qui servait de marque page n’était plus à la place où il l’avait laissée. Il remarqua tout aussi rapidement que son encre et son stylo plume en or étaient absent et remplacés par une note imprimée où figurait un identifiant et un code d’accès fait d’une suite de caractères incohérentes. Antoine les mémorisa en quelques secondes et jeta la note dans une sorte de trappe discrète qui servait d’incinérateur encastré en bas du mur, sur sa droite.
Il retourna son siège d’un seul mouvement vers l’écran qui affichait un Capitole et un soleil couchant très proche de la réalité tandis qu’il se murmurait discrètement :

Le silence confortable du bureau n’était dérangé que par des légers bruits répétitifs venant des doigts du désormais nouveau juge, appliqué à pianoter sur son clavier hologramme qui nécessitait une certaine dextérité qu’était en train d’acquérir Antoine tandis qu’une succession d’images floues se reflétaient sur ses lunettes rondes et d’une monture orange, volontairement un brin ridicules pour d’une part susciter une sympathie naturelle pour lui tout en paraissant d’un sérieux inébranlable, tout en sachant pertinemment que ce n’était pas les lunettes les plus extravagantes du Capitole, loin de là.
Devant l’homme se trouvait donc ce clavier scintillant qui illuminait légèrement la pièce et à sa droite une barre de métal longue d’une quinzaine de centimètre et qui semblait projeter un autre hologramme, qui n’était autre qu’une tablette permettant d’une part de contrôler les appareils de la pièce, mais aussi s’identifier à l’aide de la fameuse carte d’identification auprès des serveurs du Capitole permettant ainsi une communication entre les juges par exemple, et surtout une consultation de l’ensemble des dossiers auquel Antoine pouvait avoir accès, jusqu’à son niveau d’accréditions bien sûr.

Trois autres barres de métal, bien plus longues et grosses étaient disposées avec soin à équidistance du clavier, il s’agissait en vérité de trois écrans, tous allumés et qui projetaient, d’une lueur bien plus vive et contrastée, quelque chose de différent chacun. Sur le premier écran défilait l’ensemble des tribus moissonnées avec différentes informations les concernant ainsi qu’une vidéo en haute définition du tirage au sort de chaque district (ou parfois des volontaires) pour cette 175ème édition des jeux de la faim. Sur l’écran central était ouvert une page sur fond noir, avec écrit les mots « TOP SECRET » en rouge sur le dessus, il s’agissait là des différentes informations concernant la prochaine arène et le scénario envisagé pour cette édition si différente des autres en tant qu’expiation. Enfin le dernier écran affichait quant à lui tout un panel de visages et d’annotations qui correspondaient au fichier des juges et responsable qu’Antoine pouvait croiser et qu’il s’efforçait de retenir et ainsi adapter ses paroles et son comportement en fonction de la personne avec qui il parle : il a longtemps adapté cette façon de faire dans les soirées importantes du Capitole, et il a juste transposé cette technique auprès de ses collègues ou supérieurs, un jeu d’enfant.

Le nouveau juge s’appliquait donc à consulter ce dossier, classé sensible et secret, tandis que par intermittence il prenait des notes qui représentaient des remarques, critiques ou idées pouvant un jour être soumis à ses supérieurs et bien évidemment, toujours dans un but d’améliorer le spectacle de cette édition si spéciale de l’expiation.
Tandis qu’il était occupé à pianoter une nouvelle fois sur son clavier hologramme, Antoine fut distrait par quelqu’un qui frappait à la porte et qui rentrait quasi-aussitôt. Le nouveau juge eut tout juste le temps de remplacer le fichier contenant les noms et photos de ses supérieurs par ses notes de travail, sachant que les hologrammes peuvent être vus par devant mais aussi par derrière.
Dans l’entrebâillement de la porte avança un homme d’une trentaine d’année, plutôt grand et sûr de lui de par sa prestance, il est donc certain qu’il n’était pas là par hasard. Antoine reconnu rapidement le Haut-Juge qui semblait avoir lu dans ses pensées et qui se présentait aussitôt :


Après quelques dixièmes de secondes de réflexion et de regard du haut de ses lunettes vers son supérieur, le nouveau juge se leva de son siège tout en posant furtivement ses lunettes sur le coin du bureau. Il s’approcha de l’homme qui semblait attendre et lui serra la main d’une poigne forte mais aucunement brutale dans un unique but de montrer brièvement sa personnalité et son aisance à son supérieur. Antoine lâcha après quelques secondes la main de l’homme et après avoir esquissé un sourire en coin, il débuta d’une voix claire, grave et assez chaleureuse :

Antoine semblait entendre sa propre voix comme si une force parlait à sa place, ce n’était malheureusement pas une nouvelle impression, s’il était le personnage le plus important du Capitole il n’aurait plus jamais à se forcer d’être courtois, sourire ou se faire aimer des autres..
Perdu pendant quelques instants dans ses pensées, il esquisse un large sourire devant son supérieur qui se dirige vers son bureau :


Le nouveau juge fronce légèrement et discrètement les sourcils et se dirige comme par obligation vers la cafetière, dos à l’homme qui tente de déchiffrer les hologrammes qui illuminent l’ensemble du bureau en métal. Sans grande surprise, la cafetière est d’une simplicité moderne, enveloppé d’un rouge semblable à du sang, à tel point qu’Antoine se demanda un instant si du sang allait jaillir de la machine, mais fort heureusement ce n’était qu’un café limpide qui coulait dans une tasse d’un blanc glacial et dont l’honneur venait agréablement parfumer l’ensemble du bureau.
Tout en se dirigeant vers le bureau, Antoine est une nouvelle fois coupé dans ses pensées par le Haut-Juge :


Pendant que l’homme semblait se justifier de toutes ses paroles et au gout d’Antoine, parler pour dire des choses d’une importance qui frôle le néant, ce dernier pose doucement la tasse à la droite de l’homme et vint s’assoir derrière son bureau tout en remettant rapidement ses lunettes d’un air concentré. Tandis que son supérieur venait enfin de finir son monologue, Antoine se força à esquisser un sourire en coin accompagné d’un soufflement du nez léger alors qu’au plus profond de lui, l’homme ne désirait qu’exprimer son indifférence face à des paroles si banales.
Tout en baissant la luminosité des hologrammes, le nouveau juge pianotait rapidement sur sa tablette ce qui a pour conséquence de retourner les hologrammes dans un léger son semblable à de la science-fiction, et tout cela pour qu’ils puissent être vus par son hôte. Il prit légèrement sa respiration et regarda d’un air enjoué et jovial le haut-juge :


Après ces quelques mots, le juge replonge son regard sur les écrans dont le contraste augmente en même temps que l’ensemble des fichiers, images et vidéos disparaissent au fur et à mesure que l’homme pianote d’une vitesse folle sur les touches de son clavier. Après quelques secondes, Antoine pressa une dernière touche qui illumina les écrans avec une image en 3D ressemblant à celle qu’il avait pu voir les dossiers secrets de la préparation de l’arène.
On pouvait apercevoir sur les écrans une grande pyramide qui se découpa en deux morceaux, à l’intérieur de celle-ci on découvrait donc un ensemble de pièces, de couloirs qui s’empilaient jusque dans le haut de la pyramide. Antoine relava donc la tête vers son hôte et débuta par de grands yeux volontairement remplis d’une sorte d’excitation et d’impatience, à la manière d’un enfant :


Antoine marque volontairement une pause, il se donne véritablement en spectacle pour tenter de voir la réaction du haut-juge tandis que l’écran affiche par intermittence un zoom sur les pièces remplies tantôt de lits, de provisions ou même d’armes. Le juge esquisse un sourire limite narquois et reprend d’une voix plus sérieuse :


A la fin de ces mots et tout en fixant dans le plus profond de ses yeux son supérieur, il fait pression sur une touche du clavier qui fait instantanément apparaître une annotation « 4ème jour » tandis qu’un flot de sang se met à remplir l’ensemble de la pyramide, si vite qu’à peine en quelques secondes, l’édifice est entièrement rempli du fameux liquide rouge.
Au même instant, un vieil homme fait irruption dans le bureau, d’une façon si ingrate qu’il aurait pu faire croire à n’importe qui qu’il s’agissait de son propre bureau alors qu’il se tourne vers le nouveau juge :


L’intéressé meurt d’envie de lui répondre d’une façon sarcastique mais se force à se taire après avoir reconnu l’homme, un autre haut-juge qui vient lui « souhaiter la bienvenue », ou plutôt tenter de faire un spectacle pour montrer sa puissance et intimider les nouveaux venus.
Tandis qu’il fixait l’homme qui parlait à Phileas, Antoine semblait réfléchir rapidement dans sa tête à la situation, celle qu’il avait avec surprise redouté : la première impression. Pour le nouveau juge, Phileas Hampton était plutôt facile à appréhender, un air jovial, une petite attention comme un café et un petit numéro rempli de surprises. Mais pour Arcas Thalès, ce genre de futilités ne pouvait aucunement l’impressionner et c’est ainsi que ce dernier se tourna une nouvelle fois vers Antoine :


Le nouveau juge fait rapidement la traduction dans sa tête : impressionnez-moi. Il regarda rapidement son clavier qu’il pianota pour augmenter le contraste des écrans qui affichaient toujours la pyramide tout en faisant apparaître la première image de la pyramide et des différentes salles. Il regarde donc son dernier hôte avec un regard sérieux et d’un ton tout aussi mature et inexpressif, il prend la parole :


Tandis qu’il finissait sa phrase, l’écran affichait donc l’édifice qui se remplissait rapidement de sang d’un rouge foncé assorti à la cafetière du fond du bureau, alors que les mots « 4ème jour » clignotaient discrètement au coin de l’écran.