Comment allier plaisir et devoir [Héspéros]

Hésperos & Melvil

Il était tôt ce matin lorsque j’ouvris un tiroir de mon placard pour me chercher une tenue. Le contenu de ce tiroir était bien différent de tous les autres ; il était lumineux, brillant, et sentait très bon. C’était le tiroir dans lequel je rangeais mes tenues spéciales pour aller au Capitole. Je le détestais … Le placard, comme le Capitole bien sûr … Mais il fallait faire bonne figure. J’étais mentor depuis plusieurs années, et cette position me rendait indispensable aux rebelles. Il fallait donc que je me prête au jeu des vêtements. Je sélectionnais ce qui me paraissait le moins excentrique : un costume bleu foncé et une chemise violette. J’étais sûr que le Capitole allait adorer, car j’avais bien malgré moi appris les us de ces gens au fil des années. Je parti dans la salle de bain et décidai de me raser avant de me laver ; plutôt mourir que de refaire mon erreur de jeunesse et d’aller avec une barbe au Capitole pour entendre à quelle point elle serait belle avec quelques motifs à l’intérieur. J’étais sous la douche lorsque quelqu’un frappa à ma porte.

Je sorti et enroulai une serviette autour de ma taille. Qui cela pouvait-il être ? Je poussais d’une main le rideau pour avoir une idée de qui venait me déranger –et également pour savoir si je pouvais ou pas ouvrir dans cette tenue indécente. C’était Jacob. Merde … Je ne me souvenais pas qu’on ait prévu une séance d’entraînement ce matin au quel cas je l’aurais annulée. J’allais pour ouvrir la porte. Jacob était un jeune homme de mon district, un très bon gosse qui m’avait demandé de l’entraîner pour qu’il puisse se porter volontaire sans trop de crainte afin de protéger sa sœur si jamais elle était tirée. Il me rappelait moi à son âge.

« Hey Jacob. Je suis désolé si on avait prévu quelque chose ce matin, j’ai du zappé qu’il fallait que je me rende au Capitole pour la soirée pré expiation. »

Je lui serrai la main et l’invitai tout de même à entrer ; le minimum que je pouvais faire était quand même de lui payer un verre histoire qu’il ne se soit pas levé pour rien. Mais il n’entra pas et me tendis une enveloppe.

« Nous n’avions rien de prévu Melvil, je passais juste vous saluer. »

Il me sourit et recula avant de partir. J’haussai un sourcil. Il était fort. Il avait parlé comme si nous pouvions être entendus, et était parti. Il n’avait même pas eu la curiosité de connaître le contenu de l’enveloppe. J’oubliai parfois à cause de son jeune âge qu’il était non seulement mon élève mais aussi mon collègue chez les rebelles. J’ouvris la lettre immédiatement.

‘Besoin d’informations sur ce qui arrive. Parle à H.
R ‘

Le message était relativement codé mais pas particulièrement difficile à déchiffrer. L’expiation arrivait, les rebelles voulaient savoir si H –Hésperos- en savait plus que nous et pouvait nous donner une longueur d’avance. Je levai les yeux au ciel. Ils étaient mignons mais comment étais-je censé parler de cela avec lui alors qu’on allait être entourés de centaines de Capitoliens. Je trouverais bien un moyen sur place. Je brûlai le papier et jetai les cendres dans la cheminée.

Je fis le rituel habituel pour aller au capitole : papiers d’identité, test sanguin, fouille légère puis voyage en train. Je venais du douze, et le voyage était très long mais aussi étrange que cela puisse être je l’appréciais. Bien que tant de richesse me dégoute face à la pauvreté de mon district, je trouvais toujours le fait de passer les différents districts passionnant à regarder. Le paysage qui défilait à la fenêtre était toujours pour moi une source d’émerveillement. Je souris à Mia lorsqu’elle monta dans le train, bien que je sache que je ne la verrais pas avant ce soir : nous avions chacun un wagon.

Lors de la soirée, je cherchais Hesperos du regard mais lorsque je le vis, il semblait en pleine discussion. Je ne pense même pas qu’il m’ait remarqué et de toute façon, au vue de la population qu’il y avait dans la salle, je n’aurais pas pu lui parler. J’approchai certaines personnes même si je recherchais évidemment plus la présence de personnes comme Mia ou Luke qui me donnait l’impression de ne pas être le seul à être perdu ici. Pourtant depuis le temps, j’avais tout d’un habitué et je répondais avec charmes aux réflexions qui m’étaient faites, flirtant même avec certaines Capitolienne pour le bien être de mon image si précieuse aux rebelles. Je songeais un instant qu’Azylys avait évolué elle aussi dans ses sphères ce qui me dégoutait encore plus. Cette mission était de loin la pire de toutes …

Le soir alors que je me couchais dans la chambre qui était prévue pour moi, je cherchais comment me rendre chez Héspéros sans attirer l’attention et je décidai de me lever aux aurores pour aller le voir sans trop de risques. J’eus du mal à trouver le sommeil et, le lendemain quand le réveil sonna, je n’étais presque pas reposé. Je me levai néanmoins et pris la direction de la résidence de mon ami.

J’avais hâte de le voir, et pas seulement parce que j’étais curieux de savoir ce que le Capitole nous réservait … Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vu et il me manquait. Le juge était un de mes proches amis ; et ils se comptaient sur les doigts de la main. J’avais envie de savoir ce qu’il se passait dans sa vie, s’il partageait mes doutes et mes appréhensions … Arrivé devant sa demeure, je frappai à sa porte. J’attendis quelques instants avant de le voir ouvrir avec les yeux du sommeil. Je souris et m’approchai de lui pour lui faire une accolade.

« Hey bien et bien on a eu une nuit courte ? Je ne te dérange pas j’espère ? Tu n’as pas de la compagnie ? »

J’haussai un sourcil amusé, mais la question était toutefois sérieuse. S’il n’était pas seul, on ne pourrait pas vraiment parler de ce dont on devait parler et je ne pouvais pas risquer d’aborder le sujet sans en avoir le cœur net d’abord. Je lui souris et affirmai avec franchise toutefois.

« Ca fait un bail, je suis content de te voir. Je n’ai pas eu la chance de te voir hier du coup je me suis dit que j’allais passer quand même avant de repartir au douze … On n’a pas tellement d’occasion de se voir sinon. »

Comment allier plaisir et devoir

Melvil & Hespéros

Le léger clapotis de la fontaine me reste dans les oreilles tandis que l'image de ma rencontre avec Sélène repasse en boucle dans mon esprit. Je suis allongé dans mon lit. Le sommeil ne m'a pas entièrement gagné, je reste dans un état de somnolence. Le mince filet de lumière qui perce à travers une fine fente dans le store me dérange... Mais je n'ose pas ouvrir les yeux, de peur que tous mes souvenirs de la nuit passée ne se révèlent être, en réalité, qu'un rêve.
Puis finalement, n'y tenant plus, je décide de me lever, sans faire de bruit. Je connais chaque latte de mon parquet: celles qui grincent et celles qui restent silencieuses... Lentement mais sûrement, je progresse à travers ma chambre, regarde mon costume de la veille, jeté en boule dans un coin, passe la porte et rejoins le hall de nuit dans lequel je m'arrête un moment. La chambre d'ami est fermée. Sélène s'y trouve, probablement endormie. Je sais que c'est le cas car d'habitude, cette pièce est toujours entrouverte. Quelques instants, je tente de l'imaginer. Elle doit être enroulée dans sa couette, vêtue de l'un de mes pyjamas que je lui ai prêté lorsque nous avons regagné l'appartement durant la nuit. Il est probablement beaucoup trop grand et trop large pour elle mais bon... Je me remets en marche et, toujours en avançant à pas feutrés, je rejoins le salon. Il est encore tôt, tout le voisinage dort. Je me dirige dans la cuisine pour me préparer un chocolat froid avant de m'installer avec ma tasse dans mon vieux canapé. Mes paupières gonflées par la fatigue peinent à rester ouvertes. Puis finalement, j'entends quelques coups frappés à ma porte... Qui peut bien venir aujourd'hui? Et à cette heure en plus... Piqué par la curiosité, je me dépêche d'aller ouvrir. M'attendant à tout sauf à voir le regard perçant de Melvil, je manque de basculer en arrière.

« Hey bien et bien on a eu une nuit courte ? Je ne te dérange pas j’espère ? Tu n’as pas de la compagnie ? »

Voyant mon absence de réponse, il poursuivit d'un ton étonnamment naturel:

« Ca fait un bail, je suis content de te voir. Je n’ai pas eu la chance de te voir hier du coup je me suis dit que j’allais passer quand même avant de repartir au douze … On n’a pas tellement d’occasion de se voir sinon. »

« Qu'est-ce que... Melvil. Salut, je... Tu ne me déranges pas du tout, je suis juste... un peu surpris de te voir débarquer si tôt... Il n'y a personne, dis-je d'un ton hésitant avant de lui barrer la route en me souvenant de la présence de Sélène. Enfin si! Euh... Je t'expliquerai. Je reviens dans un instant, attends-moi là. »

Je lui referme la porte au nez et fonce enfiler ma tenue de jogging qui traînait là... Je devrai cependant m'en contenter. Mes vêtements sont rangés dans ma chambre et il faudrait repasser devant la chambre d'ami, or, je n'y tiens pas.
Si cela n'avait pas été Melvil, jamais je n'aurais osé agir de la sorte mais il comprendra. Dans ma précipitation, je manque d'oublier de laisser un mot pour Sélène, au cas où elle se réveillerait. J'éprouve une sensation étrange en écrivant que je suis parti courir, que je ne serai pas long. Je dépose le petit carton sur la table de la cuisine et, à ce moment là, je réalise que cette femme qui occupe mes pensées depuis si longtemps, que j'avais toujours crue inaccessible vient de passer une nuit sous mon toit. Bien sur, il ne s'est rien passé entre elle et moi mais jamais je n'aurais imaginé la voir entrer dans mon appartement et encore moins pour y dormir... Il faut dire qu'il était tard et qu'après sa mésaventure devant le centre des mentors, une autre solution aurait été difficilement envisageable.
Lorsque je sors enfin dans la rue, Melvil m'attend. Il semble quelque peu surpris de mon accoutrement et je lui lance d'une voix claironnante:

« Je comptais justement faire un peu de sport... Tu m'accompagnes? On pourra discuter sur le chemin. »

Melvil est assez fin pour comprendre que ma légère insistance sur le mot ''discuter'' n'était pas anodine. Je me doute qu'en dehors d'une simple visite amicale se cache probablement un intérêt pour les Rebelles... Et si c'était le cas, Sélène ni même personne d'autre n'a à entendre de quoi il s'agit. C'est pourquoi, j'ai décidé d'emmener mon ami du Douze un peu plus à l'écart. Même s'il y a peu de chances pour que l'on me surveille, je préfère prendre toutes les précautions nécessaires. Et puis, c'est l'occasion pour moi de prendre des nouvelles de cet homme à qui je tiens tant. Je pense que si je devais citer un véritable ami, sans hésiter, je le choisirais lui. Nous nous dirigeons un peu à l'écart des habitations, non loin d'un petit parc désert à cette heure.

« Alors, quel vent t'amène ? Tu n'imagines même pas à quel point je suis content de te revoir moi aussi... »

Hésperos & Melvil

Héspéros avait l’air très surpris de me trouver là. Etait-ce si étrange ? Après tout je passais juste voir un vieil ami, avait-il peur qu’on ne fasse une connexion avec la rébellion ? Il aurait déjà fallu être tordu quand même …

« Qu'est-ce que... Melvil. Salut, je... Tu ne me déranges pas du tout, je suis juste... un peu surpris de te voir débarquer si tôt... Il n'y a personne, dis-je d'un ton hésitant avant de lui barrer la route en me souvenant de la présence de Sélène. Enfin si! Euh... Je t'expliquerai. Je reviens dans un instant, attends-moi là. »

J’haussai un sourcil d’abord surpris, puis je me fendis d’un sourire amusé. Il n’y a personne mais en fait si ? Il a dit qu’il m’expliquerait et franchement, j’avais hâte. Dans quelle situation compliquée s’était-il encore mis ? Et qui était là chez lui … Une femme à n’en pas douter. Une Capitolienne … Mais il en avait le droit, alors pourquoi tant de mystères ? Etait-elle mariée ? Oh non Héspéros, dans quoi t’es-tu encore fourré ? Le temps de ma réflexion était écoulé car il réapparut en jogging. Visiblement il n’avait pas suffisamment confiance en la personne avec laquelle il avait dormi pour me faire rentrer, ni même pour lui dire ce qu’il allait vraiment faire. Maintenant j’étais inquiet. J’espère qu’il ne ferait rien pour mettre en péril son rôle dans la rébellion … Mais je me rassurais assez vite en me disant que je connaissais Héspéros et que ce n’était vraiment pas son genre d’être négligent.

« Je comptais justement faire un peu de sport... Tu m'accompagnes? On pourra discuter sur le chemin. »

J’éclatai de rire. J’avais l’air en tenue pour ça ? M’enfin, je compris assez rapidement qu’il fallait s’éloigner si on voulait parler, et je répondis non sans une pointe de défi :

« Je te rappelle que la course, c’est ma spécialité. Tu vas morfler mais après tout, ça te fera pas de mal de redescendre un peu de ta tour. »

Nous avons pris la direction d’un petit parc en courant et lorsque nous sommes arrivés, il pivota vers moi pour faire de la « petite conversation ».

« Alors, quel vent t'amène ? Tu n'imagines même pas à quel point je suis content de te revoir moi aussi... »

J’haussai à nouveau un sourcil.

« Vraiment ? C’est tout ce que tu vas me dire ? Ne te méprends pas, ça me fais plaisir de savoir que t’es content de me voir mais … Tu as trop attisé ma curiosité pour commencer par « quel vent t’amène » tu ne crois pas ? Si tu veux savoir, c’est plus une visite de courtoisie qu’autre chose en fait … On m’a demandé de venir voir si tu savais quelque chose sur ce qui approche mais j’avoue que j’étais sceptique à l’idée qu’on t’a dit quoique ce soit, avec ces mesures de sécurité … »

J’haussais les épaules. Comme quoi, il n’y avait pas que les pacificateurs qui pouvaient se montrer un peu bête parfois. Mais je reportai bien vite la conversation vers ce qui m’intéressait …

« Et toi alors ? Comment vas-tu depuis ce temps, c’est pas trop de pression le travail avec l’Expiation qui se prépare ? Ca ne doit pas être facile … »

Je parlais autant de la pression que le Capitole lui mettait que celle exercée par les rebelles qui voulaient être au courant de tout avant même que les choses ne soient élaborées, et … De lui-même … Après tout il était des nôtres, et ça ne devait pas être facile de continuer son travail alors qu’il méprisait lui aussi les jeux.

« Enfin d’après ce que je vois tu trouves des moyens de décompresser dis-moi ! C’est donc pour ça que je n’ai fait que t’apercevoir hier soir, tu étais en bonne compagnie ? »

C’était agréable et à la fois assez rare donc déconcertant de parler d’un sujet si léger. Ca ne m’arrivait pas tous les jours, tout était toujours au sujet des jeux, de la rébellion, de la misère … Une petite relation –scandaleuse de toute évidence- dénotait tellement avec tout le reste que je devais me l’avouer : cela faisait du bien. Et puis, Héspéros n’était plus tout jeune et il était plutôt beau garçon, et malgré cela je ne me souvenais pas de l’avoir jamais entendu mentionner quelqu’un de « spécial ». Bien sûr je me doutais qu’il devait avoir des conquêtes mais ce n’était pas un sujet très intéressant et d’ailleurs il ne le mentionnait jamais.

« Bon alors, raconte-moi ça … Qui était cette ô combien mystérieuse personne avec qui tu as passé la nuit, mmh ? »

Et après on parle de la curiosité féminine. Mais bon, il avait illuminé mon début de journée avec cette petite information et tout e qui pouvait m’occuper l’esprit avec l’approche de la moisson était bon à prendre.